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Bonjour à toutes et à tous ! Et bienvenue au webinaire "Comprendre ses élèves" organisé par l'ENSFEA, et le laboratoire EFTS Education, Formation, Travail, Savoirs. Ce webinaire est organisé autour d'une conférence d'une ou d'un chercheur, qui s'intéresse au vécu des élèves, et autour également, de la réaction, d'un témoignage
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d'acteurs ou d'actrices d'établissements Donc je suis Julie Blanc, et j'ai le plaisir d'accueillir aujourd'hui Michel Vidal, formateur chercheur à l'Institut Agro de Dijon également associé à l'Unité Mixte de Recherche EFTS. Michel va ici évoquer la relation avec les élèves par le prisme de l'école de Palo Alto, Nous accueillerons en suivant Nadia Jouini
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qui est enseignante en Education Socio Culturelle au lycée de Saint Yrieix la Perche en Haute-Vienne. Nadia est également membre du GAP, alors le GAP c'est le Groupe d'Animation et de Professionnalisation en Education Socio Culturelle, Donc je tiens à les remercier tous les deux pour leur présence. Donc sans plus tarder, je donne la parole à Michel Vidal.
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Merci Michel. Merci beaucoup Julie. Bonjour à toutes et à tous, ceux que je ne vois pas pour l'instant. Sur la question de "Comprendre ses élèves" donc je vais vous présenter comment l'école de Palo Alto aborderait cette question là. Et de vous expliquer en même temps qu'est-ce que c'est que cette école de Palo Alto qui a un nom si particulier. Je vais m'appuyer quand même sur quelques diapositives
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pour vous aider pour les visuels. La question que je me suis posée au départ c'est, finalement, quand je regarde ça sous l'angle de l'école de Palo Alto c'est... dire "comprendre ses élèves" c'est comprendre finalement quoi ? Et dans la manière dont l'école de Palo Alto se positionne il va regarder ça d'une certaine façon, et qui peut être un peu détonante par rapport à d'autres façons de voir les choses,
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et en particulier moi je me suis beaucoup intéressé à la question des élèves en difficulté... ou des élèves difficiles. Pour moi c'est très intriqué ces deux notions là, et finalement qu'est-ce qu'il fallait comprendre derrière cela et quand on regarde la notion "d'élève qui a des problèmes" et si on regarde ça dans l'histoire on se rend compte que... on a eu différentes paires de lunettes, pour essayer de comprendre quel était cet élève finalement,
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et... l'idée pour moi n'est pas de dire "il y a une paire de lunettes qui est meilleure que les autres" mais, c'est plutôt de dire : est-ce qu'on pourrait voir un peu l'échantillon des paires de lunettes, comment elles regardent les choses et comme on est dans une vision quand même, là plutôt pragmatique de se dire, bein, comment on peut faire pour... pour travailler avec ces élèves là, pour les aider, eh bein, de se dire, plus on a de paires de lunettes mieux c'est.
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Et donc, on voit que dans l'histoire, alors je vais le balayer très rapidement mais que, en gros, apparaissent la notion d'élève, on va dire, et d'enfant anormal avec, curieusement l'apparition de l'école obligatoire. Et certains chercheurs font une corrélation assez étroite entre la notion d'école obligatoire, et l'émergence d'enfants anormaux. Au XIXème, on va parler... avec l'école obligatoire,
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on va commencer à parler d'élève arrièré, d'élève débile, Donc ce sont les termes consacrés à l'époque, et on nous donne souvent une cause sociale. Considérant que l'école obligatoire intégrait notamment des élèves qui étaient dans des classes socio-économiques plutôt... on va dire, faibles, eh bien... ces élèves là qui arrivaient dans l'école et qui ne connaissaient pas trop les codes de l'école
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étaient vus sous l'angle de la question de l'intelligence, et de la non-intelligence, et qu'on liait à leur vécu socio-culturel. Jusque dans les années quarante, où avec le développement de la psychiatrie, la psychiatrie va commencer à dominer à cette époque là et on va parler, dans ces cas-là plutôt d'enfant déficient, d'enfant délinquant, aussi !...
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Parce qu'on va aussi regarder ça sous l'angle moral, notamment le régime de Vichy va beaucoup s'intéresser à la question de la morale... et veut travailler sur les enfants délinquants. Et en leur donnant, plutôt là, des causes biologiques, aux raisons qui expliqueraient cette forme d'anormalité. Sans balayer les autres approches, dans les années soixante c'est l'approche psychanalytique qui va de plus en plus dominer en France
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et là on va plutôt parler d'enfant névrotique, ou psychotique, en assignant parfois des causes... et souvent d'ailleurs plutôt des causes parentales... à leurs problèmes !... Ce qui a fortement culpabilisé les parents. Ou alors des causes socio culturelles. Et puis, là depuis les 90 là... on a l'émergence d'une autre façon de voir ces questions de...
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entre guillemets, d'anormalité, c'est avec le développement des neuro-sciences, et notamment donc... le développement d'enfants qui auraient des troubles... neuro-développementaux, et avec toute l'apparition des formes de dys, que l'on connait tous. Toutes ces lunettes là pré-existent encore, on est plus ou moins imprégné par une lunette ou par plusieurs,
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et puis, moi je voulais m'intéresser à une dernière lunette qui a émergé dans les années soixante-dix, qui est peut-être moins médiatisée, mais qui vise, finalement, à ne plus médicaliser l'élève ne plus essentialiser le problème vis-à-vis de l'élève, mais plutôt, d'envisager un sujet, qui est dans un système qui lui est dysfonctionnel. Et si le système interactionnel avec d'autres personnes est dysfonctionnel,
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et bien le comportement qu'il peut avoir, qui peut nous poser problème eh bein n'est qu'un des symptômes de ce système qui est dysfonctionnel. Et donc là, c'est de voir dans ces cas là le problème d'une manière non plus pathologisante... mais plutôt d'une manière systémique et... en particulier, et d'autre part non normative c'est à dire, de se dire bon... on ne voudrait pas des élèves comme si ou comme ça,
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l'élève est tel qu'il est, avec ses propres normes, et à un moment donné c'est peut-être un conflit de normes, un conflit de besoins qui peut générer le problème. Donc l'approche de Palo Alto est fondamentalement non pathologisante donc, et non normative. Et ça va modifier, je pense, fondamentalement la manière dont on va regarder... l'élève. Et la manière dont on va essayer de comprendre qu'est-ce qui se joue pour lui, dans le système dans lequel il se trouve.
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Parce que dans le "comprendre" là, notre visée dans l'école de Palo Alto c'est, ou bien quand je suis dans une posture d'éducateur qui est plutôt... aidant ! Un élève qui vient à moi et qui dit voilà : "J'ai tel problème et ça va plus pour moi..." Là, dans ces cas là, mon objectif, ça va être de lui redonner une certaine forme de pouvoir d'agir, par rapport à ce qui se joue pour lui,
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dans le système dans lequel il interagit. et viser, essentiellement, à dissoudre sa souffrance. Parce que la question là, dans l'école de Palo Alto c'est bien de se dire "Qui souffre ?", et de réduire, voire d'annuler donc, cette souffrance. Et c'est aussi dans le "comprendre pourquoi" c'est, en tant que pédagogue, il peut m'arriver d'être en confrontation avec des élèves avec qui ça va pas du tout. Et la question, là, que je vais me poser c'est :
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"Comment il faut que je m'aide moi dans un premier temps ? Et comment m'aider au mieux en travaillant ce système interactionnel qui est déficient. Et donc le chercheur crée une relation favorable pour permettre à chacun d'avoir une responsabilité équilibrée, et cette notion de responsabilité équilibrée est sans doute aussi un peu clé de voûte dans l'école de Palo Alto, parce que souvent elle considère que,
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d'un côté, dans... l'interaction déficiente, d'un côté y'a quelqu'un qui porte une hyper responsabilité quelque part qu'on peut avoir souvent en tant qu'éducateur, c'est à dire, de dire, je tiens... je tiens à ce que la personne évolue, je tiens à ce que la personne... apprend je suis aussi évalué, quelque part, d'une certaine façon, là-dessus. Je tiens aussi un... un curriculum... il faut le... le finir à la fin de l'année !
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Donc peut-être qu'à moment donné, je suis en hyper responsabilité, et puis, en face, bein... un élève qui... si moi je suis en hyper responsabilité ça va être peut-être aisé pour lui... de se retrouver en hypo responsabilité et d'en jouer. Et donc la question là... c'est de pouvoir rééquilibrer ces responsabilités et puis de permettre à l'ensemble des acteurs du système
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de trouver ou de retrouver du sens dans son action. Parce qu'à un moment donné, je pense qu'on risque de le perdre à vouloir lutter contre... contre quelqu'un, ou contre un système, et d'oublier qu'est-ce que je veux derrière tout ça. Et donc... Comment on aborde ça dans ces cas là dans l'école de Palo Alto lorsque l'on se positionne dans ce type de...
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dans ce type de compréhension systémique de ce qui se joue pour l'élève. Alors vous voyez que là... ça change fondamentalement la donne parce que... je vais plus m'intéresser de savoir mais est-ce que, finalement... j'ai appris que... voilà... ses parents avaient divorcé, j'ai appris qu'il y a quatre ans, il a perdu... il a perdu sa mère très jeune, etc, etc.
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Je vais pas regarder ça, parce que... à la limite, même si ça je l'apprends, et peut-être que c'est la vérité, et peut-être que ça explique pourquoi l'élève est maintenant comme ça... Et quand bien même, qu'est-ce que je peux en faire. Je me sens un peu impuissant dans ce diagnostic là. Et donc ! La question c'est comment opérer un diagnostic sur lequel moi j'ai un pouvoir d'agir, en tant qu'éducateur, enseignant au sens large du terme.
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Là, dans ce schéma là, eh bien... Je suis en bas, je suis l'aidant. Je suis l'aidant qui... avec lequel donc je vais interagir avec un jeune qui vient de me dire : "Voilà, j'ai un problème...". Peut-être avec lequel j'ai aussi un problème. Et ce jeune me dit : "Voilà j'ai un problème avec tel prof, avec l'école, etc, etc." Et donc, ce qui va m'intéresser moi,
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dans la manière de comprendre l'élève, c'est bien de comprendre certains éléments de ce système là. Je vais essayer de comprendre... quelle est la vision du jeune, de la personne là, qui est en train de me parler. Sa vision du monde ça veut dire, en gros, Quels sont ses besoins, quelles sont ses normes... Est-ce que, par exemple, un élève qui vient me dire : "On arrête pas de m'embêter pour que je travaille, je suis collé en permanence parce que...
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parce que je ne fais rien du tout à l'école ! Etc. J'en ai marre ! J'ai des mauvaises notes mais j'en ai rien à faire...". A partir du moment où un élève commence à dire : "J'ai des mauvaises notes, j'en ai rien à faire...". C'est sa norme... Et essayer de lui dire : "Ça serait quand même bien que tu travailles, ça serait quand même bien que tu augmentes tes notes, parce que quand même pour ton avenir....". Oui, mais là je suis en train de parler pour lui,
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et je suis en train de lui poser mes propres normes. Et, la première... la première stratégie à avoir, c'est de pouvoir accueillir ces normes, telles que la personne les pose, sans porter aucun jugement sur elles. Donc je vais essayer de comprendre cette vision du monde sans juger. Ce qui n'est pas facile... Des fois on a des normes... On se dit : "Oulala !".
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Pas faciles à accepter mais voilà... A un moment donné, l'accueillir c'est pouvoir permettre à un moment donné à l'interaction de changer. C'est ça qui est fondamental. Et puis je vais essayer de comprendre comment cette personne interagit avec d'autres acteurs et qui font problème. Et qui vient me dire : "J'ai des problèmes avec l'école, avec telle et telle personne...". Et j'essaie de comprendre comment cette interaction se fait. C'est-à-dire lui comment il agit,
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comment les autres acteurs réagissent, selon lui, bien entendu, et puis comment, en fonction de cette réaction, comment lui il... se rajoute, là-dessus. Comment il réagit à ce que les autres lui font. Et donc, essayer de comprendre cette boucle là, cette boucle systémique qui se joue entre le jeune et puis d'autres acteurs, voire un système... Et comment ça joue...
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Quand ça joue bien, on se pose pas trop la question, C'est quand ça joue mal que cela devient plus problématique. Et, je ne vais pas essayer d'accéder à la vision du monde des autres acteurs parce que ces autres acteurs je ne les ai pas sous les yeux, je ne peux pas les interviewer, ce n'est pas eux qui me disent qu'ils ont un problème. Donc ça je ne vais pas du tout m'intéresser à ça. Je vais m'intéresser à sa vision du monde, du jeune, et puis à cette boucle interactionnelle
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qui se joue, tel que le conçoit le jeune. Et bien-sûr, moi, en tant qu'aidant, eh bien je rentre dans le système. Et, ma question pour moi, avec ma vision Palo Alto, donc ma vision du monde très particulière Palo Alto c'est... comment je vais pouvoir interagir avec lui, appartenant au même système, pour l'aider. Et pour aider le système. Alors ça donne quoi ? Alors ça donne dans ce "comment"...
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Voilà, ça donne des questions... En tous cas des orientations qui pour moi vont m'aider en tous cas dans la compréhension de l'élève dans sa position du monde et... dans ses modes interactionnels, c'est d'une part, voilà je vous disais, c'est d'une part, de me dire : "Là je vais accueillir la personne, selon ses normes, selon ses besoins, et je vais essayer de les comprendre
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en essayant de faire totalement abstraction des miennes. Ça ne veut pas dire que je me nie, non plus, à un moment donné... d'autant plus que... alors quand je suis aidant, totalement aidant, et que la personne me dit : "Bein voilà, ça va pas pas avec telle ou telle personne...", alors là, j'oublie totalement mes normes, je les mets de côté. Par contre, quand moi je suis en interaction avec un élève qui me pose problème, à un moment donné, mes normes vont revenir.
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Il n'y a aucune raison pour que je me nie pour l'autre... Mais à un moment donné la question ça va être comment négocier ces normes avec l'autre. donc en tous cas fondamentalement dans cet accueil là... Et puis je vais essayer de repérer les redondances interactionnelles qui font problème en général, C'est à dire, ces redondances interactionnelles, c'est cette boucle d'interactions, qui en général...
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a démarré, d'une certaine façon, et puis s'est souvent envenimée, et s'est ancrée. Et ces redondances interactionnelles, c'est cette manière de tout le temps essayer de faire la même chose, en croyant d'ailleurs qu'on fait différemment, et en fait on fait tout le temps la même chose. Et l'autre réagit tout le temps de la même façon, et lui aussi il croit qu'il réagit différemment, et il fait tout le temps la même chose. Le grand classique de ces boucles interactionnelles
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dans le monde éducatif c'est... un élève qui par exemple... commence à avoir certains troubles, un peu, à l'école et puis qu'est-ce que je vais faire je commence à lui dire bon... "Tu vas dehors !". Et puis... et puis il recommence ! Et là je vais lui dire : "Non là ça va pas ! Tu vas pas recommencer ?" Je vais le coller ! Et... Et puis à un moment donné je vais le recoller. Et puis à un moment donné il a son carnet de colles qui est bien rempli, et... il faut faire autre chose.
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Et dans ces cas là je vais encore accroitre, et puis et cetera, et cetera... et vous voyez où des fois ça peut arriver c'est à dire qu'à un moment donné on arrive au conseil de discipline. Et puis eh bein l'élève est parfois... est donc viré. Et là on est dans une redondance interactionnelle là, on voit, qui s'est envenimée progressivement, et à force de tenter tout le temps la même chose, je suis tout le temps dans les mêmes tentatives de solution, pour arrêter ce comportement qui me pose problème par exemple...
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mais c'est vrai aussi pour des élèves qui sont en difficulté je peux faire aussi la même chose à vouloir l'aider coûte que coûte, d'une certaine façon, et à un moment donné bein l'autre il réagit et il suramplifie le problème bien entendu par ses réactions... Et ça s'enkyste ! Et à un moment donné j'arrive dans un jeu totalement bloqué en me disant : "Je peux plus rien faire là... Je peux plus m'en sortir.". Donc je vais essayer de regarder ces redondances interactionnelles
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non pas en se disant : "Quelle est la bonne solution ?" mais en se disant : "Comment je vais arrêter ces tentatives de solution ?". Ma seule réflexion c'est : "Comment les arrêter ?". Parce que je sais que, en les arrêtant, ça va déstabiliser complètement le système interactionnel, et en déstabilisant ce système interactionnel, il va se passer quelque chose. Quoi ? Je n'en suis pas sûr. Mais il va se passer quelque chose, et en général,
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qui permet, justement, de changer de mode interactionnel, pour aller vers quelque chose de mieux. Et arrêter de tenter des solutions, c'est pas juste de dire : "Stop !" Je fais comme si de rien n'était, parce que le "fait comme si de rien n'était", je fais comme si... il m'embêtait plus cet élève là parce qu'à un moment donné ça va m'énerver et puis ça va ressortir... et puis tout est tellement enkysté que l'élève
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de toutes façons il sent bien que là-dedans il ne comprend plus rien. Et que, lui il continue dans sa même voie, et donc, ce qu'il faut que je fasse pour arrêter, c'est d'aller à l'inverse du bon sens, c'est-à-dire du sens dans lequel j'allais en me disant "Forcément ça va marcher à un moment donné." A l'inverse du bon sens, et aller à l'inverse du bon sens, c'est ce qu'on appelle faire un 180°...
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et d'aller dans un souci de bienveillance pour l'ensemble, et de trouver quelque chose qui déstabilise le système et qui va vers un mieux pour tout le monde. ça c'est important, et pas uniquement pour moi. Ou pas uniquement pour l'élève. Qu'est-ce que c'est alors ? Souvent c'est très curieux ces 180° parce qu'on se dit : "Ça va pas ?! Je vais pas faire ça...". Un élève qui, par exemple, est violent... à un moment donné on arrête pas de lui dire, et les psychologues essaient de le calmer,
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lui dire d'arrêter sa violence, de canaliser sa violence, de trouver une réponse avant, pour que sa violence ne monte pas, etc. Nous avons enquêté un élève comme ça et qui nous disait : "C'est incroyable, moi quand ça vient ça vient quoi... et quand ça vient j'explose quoi... et je peux pas me retenir... Et les autres là ils me disent en plus que... que il faut que je me calme ! J'essaie de me calmer, j'y arrive pas !". Et vous voyez que... en fait... en lui proposant de se calmer...
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ça envenime le problème parce que... non seulement lui il sait que ça fait problème, il sait que quand il explose c'est un peu désastreux dans ses relations avec les autres, mais en même temps il est en train de culpabiliser parce qu'il se dit : "Tout ce qu'on me conseille j'arrive pas à le mettre en place !" Et donc il y a non seulement un malaise par rapport à l'interaction mais en plus une culpabilisation. Et donc, à un moment donné le 180° c'est... le grand message c'est de dire : "Sois violent !". Alors bien sûr on va pas lui dire : "Sois violent."... comme ça.
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Mais on peut lui dire : "Eh bien écoute, ça tombe bien ! Parce que, moi j'ai besoin de ... j'ai remarqué que tu étais très très sensible à l'injustice, et que finalement, des fois, je vois bien qu'il y des gens qui souffrent dans l'école, dans la classe de cette injustice là. Et j'aurais besoin de quelqu'un qui soit vigilant, je voudrais que tu tiennes ce rôle là, que tu sois vigilant à toutes les injustices qui peuvent apparaitre,
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moi je peux en créer, mais peut-être aussi entre les élèves. Est-ce que tu pourrais avoir ce rôle particulier, et qui m'aiderait beaucoup moi... Parce que moi aussi je tiens beaucoup à ces valeurs de justice.". C'est un exemple de réponse. Il n'y a aucune réponse recette, attention, Et c'est un exemple de réponse pour vous montrer que... ce que peut être ce 180°. De la même façon, un élève mutique, hein, qui n'ose rien dire, qui est timide, etc.
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l'enjoindre à être mutique, peut l'aider à s'en sortir, très très bizarrement. Donc... finalement... par rapport à tous ces 180°qu'on peut poser mais qui ne sont que du sur-mesure par rapport à la situation dans laquelle on se trouve, donc c'est pour ça je vous dis il n'y a pas de recette miracle... En tous cas !... Ne jamais considérer qu'il y a une solution universelle qui marchera pour tout je crois que celle-là n'existe pas...
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donc travailler... sur la sanction, travailler sur l'autorité... en soi pour moi n'est que, une tentative de trouver des solutions universelles. La question se pose toujours dans l'interaction, dans l'ici et le maintenant... Essayer de ne pas faire... continuer à faire partie des tentatives de solutions... Parce que des fois... en croyant bien faire, on rentre dans les mêmes tentatives de solutions que l'élève a déjà vécues... auparavant.
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Questionner les incertitudes, c'est-à-dire qu'à un moment donné quand on déstabilise un système c'est : "Qu'est-ce qui va se passer ?". Et le "qu'est-ce qui va se passer ?"... bein, ça peut créer des angoisses. Il faut les questionner ces angoisses là sinon on ne changera rien... Et puis, quand il y a quelque chose d'intéressant qui s'est passé parce que souvent, bien entendu, il se passe quelque chose d'intéressant... c'est de ne pas crier victoire trop vite, parce que... l'autre n'est pas encore habitué à de nouvelles redondances interactionnelles avec vous
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et que dans ces cas là, si vous criez victoire trop vite, il risque de revenir très vite en arrière. Voilà ! Donc, en conclusion, c'est de dire que là, l'idée c'est de perdre le contrôle... du système, perdre le contrôle... de se dire : "Je vais perdre le contrôle de la classe pour pouvoir... peut-être mieux influencer les choses. C'est que, quitter les buts de conscience, c'est-à-dire, là j'ai mon objectif et j'y vais...
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et je fais fi de ce qui se joue en réalité, pour regarder à un moment donné, et prendre le temps de regarder dans l'ici et le maintenant ce qui se joue... Et finalement c'est une forme d'éducation pour tout le monde, une forme d'éducation à ce que c'est que la relation éthique, plutôt qu'à la soumission à des normes, même si je ne suis pas contre, bien-sûr... l'acquisition de normes, c'est fondamental pour un groupe, Et puis c'est aussi retrouver, une forme de créativité dans la relation.
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Voilà je vous remercie, et... donc je pense qu'on va passer aux questions. Merci beaucoup Michel... pour cette conférence très intéressante. Alors on va passer directement aux questions, il y en a déjà deux qui nous sont parvenues. La première étant... autour de cette démarche du 180°, que tu viens d'exprimer...
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Une personne demande si on peut la rapprocher du postulat de cohérence de Daniel Favre... de Fabre ! Pardon... de Daniel Fabre, je me trompe... Alors, hum... pour moi d'une certaine façon, on va dire, d'une certaine façon... dans le sens où... la question dans le Palo Alto c'est de ne plus être dans le...
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ce que j'espère, ce que ça devrait être le système, mais à un moment donné de revenir à la réalité des choses : elle est, y'a ce qui est. Et à un moment donné si je ne fais pas avec ce qui est, de toutes façons... je vais à un moment donné amplifier le problème de ce qui est déjà... Et donc dans cette notion de cohérence qui est proposée par Daniel c'est là où je rejoins...
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que je le rejoindrais... dans ce souci, de retrouver... dans ce qui est moi, qu'est-ce que je vis, personnellement, et ne pas faire fi de ce que je suis en train de vivre... et de ne pas faire comme si, je serais le professeur comme ça... et de ne pas être dans un espèce d'idéal, et de l'élève et de moi... et de re-rentrer dans l'ici et maintenant, dans cette forme de réalité, qu'est-ce qui se joue vraiment,
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et comment je vais mettre en... enfin remettre en scène, ce qui se joue vraiment, plutôt que d'essayer de... de nier les choses. - Ok... - Je pense que 180° est là dedans. Une autre personne a demandé, lorsque tu faisais référence à l'élève qui était collé : "Est-ce que coller c'est aider ?". Alors voilà !... Alors...
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Je ne sais pas !... C'est-à-dire que, dans le "je ne sais pas", c'est que... à un moment donné, le coller, ça peut marcher, si un élève, à un moment donné, donc le coller, comprend derrière la finalité de le coller en disant : "Ouais, effectivement j'ai fait une sacrée bêtise, je comprends que j'ai embêté mon prof et que je ne recommencerai pas, et que je le mérite bien.". pour moi c'est éducatif, il a compris le sens de l'affaire.
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Et dans ces cas-là, je pense que oui, c'est aider. Par contre, à partir du moment où, et c'est là où les redondances interactionnelles deviennent intéressantes c'est... A un moment donné quand, le collé, je surcolle et tatata... Et je vois que l'autre, il est tout le temps, à faire une tête en disant : "Mais c'est pas possible, ça ne s'arrêtera jamais cette affaire là, et pourquoi il me fait ça ?". Et etc. Et à un moment donné c'est dire que l'autre
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ne se sent pas compris dans ce qui se joue, eh bien... euh... eh bien, là, je dis : "Bein non !". C'est là où il faut arrêter, ça n'est plus aidant. Ça ne fait qu'amplifier le problème. C'est pour ça qu'il n'y a jamais de réponse univoque sur ce type de questions là, c'est que, c'est dans l'interaction, et avec la personne avec qui j'ai à faire que, on peut dire : "Oui, c'est aidant?" ou "Non, ce n'est pas aidant." Une autre question :
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"Dans quelle mesure ce type de démarche peut nourrir les réflexions collectives d'une équipe éducative vis-à-vis d'un élève ? Et dans les liens équipe pédagogique et équipe vie scolaire ?" Ok... Ça c'est vraiment une question très... très délicate à travailler parce que... on voit bien que, comme je vous le disais, ça n'est que du sur-mesure, à un moment donné,
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ce qui va bien pour l'un ne va pas bien pour l'autre. C'est-à-dire qu'à un moment donné, la proposition, notamment, du 180° est très liée à la posture de la personne. Une posture qui serait plutôt... comment dire... de dire : "Non non mais moi j'ai pas envie de rentrer dans l'autorité avec l'élève ça m'intéresse pas." Pour moi c'est fondamental d'entendre ça, c'est à dire que là, c'est la position, la vision du monde de la personne.
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Voilà comment elle voit son monde. Et dans ces cas-là il fallait que je trouve un 180° qui colle à cette vision du monde. A l'inverse, si quelqu'un dit : "Moi j'ai besoin qu'on trouve une autorité, là ça va plus du tout..." Il va falloir aussi que j'adapte mon 180° à cette vision qu'il a... de son métier. Donc ! Certains, et on voit dans le collectif, certains disent : "Bein, t'as qu'à faire comme ça !
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moi le 180° il marche super bien comme ça, Pourquoi tu le fais pas ? Ouais c'est vrai... Mais je le fais pas quand même parce que dans ma posture ça va pas. J'arrive pas à..." Et c'est ça le problème. Et donc, dans la question... qui se pose dans une équipe c'est pour moi, l'équipe là... enfin, elle doit être aidante. Aidante pour toute personne qui, à un moment donné, se trouve en situation de problème.
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A un moment donné et on voit bien quand un enseignant arrive dans une salle des profs et dit : "Qu'est-ce que ça s'est encore mal passé !" Et d'autres qui... ils sont en train de préparer des cours, dans cinq minutes ils reprennent les cours, etc. Ils disent : "Ah ouais ouais, oh mon pauvre..." mais... Ils repartent quoi... Mais à un moment donné, en quoi l'équipe fait cohésion ? Fait cohésion avec la personne qui est en difficulté,
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pour dire : "Prenons du temps pour l'aider." Mais à un moment donné dans le "Prenons du temps pour l'aider." il faut l'instituer. ça se fait pas d'une manière informelle comme ça, hein... Donc je pense que là, pour moi le collectif... le jeu du collectif, c'est bien ça, c'est d'apprendre à... à aider l'autre, et apprendre à faire un groupe qui est capable de se dire : "Je me sens suffisamment moi en confiance pour dire à mes pairs, là ça va pas.
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Je sens que je suis en limite de compétences." Est-ce qu'il y a un climat qui permet ça. Comment travailler le climat qui permet ça ? Et notamment la question aussi qui est posée entre vie scolaire et enseignants, il y a aussi, la question, à un moment donné, de pouvoir accueillir l'autre dans sa vision du monde sur ce que c'est que l'éducation. On voit bien à quel point ce mot "éduquer" est sensible et que... ça fait toujours une tension entre
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vie scolaire d'un côté et enseignants de l'autre, et de se dire : "Est-ce que je peux accueillir déjà la représentation de la vision du monde de l'autre, et comment on travaille ensemble, alors qu'on a le droit d'avoir des visions du monde différentes." Alors juste prendre une dernière question... en essayant de répondre le plus rapidement possible pour ensuite donner la parole à Nadia... Il y a une question qui est posée en lien avec une difficulté
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qui pourrait être ressentie entre le rapport à l'individu et au collectif mais plutôt dans une vision groupe d'élèves... Donc comment réussir à appliquer cette vision de l'éducation en travaillant avec des groupes d'élèves qui se créent leurs propres normes, et souvent qui peuvent être en opposition. Alors je vais vous donner un exemple, tout simplement. Un exemple où j'ai travaillé carrément là sur un groupe...
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Un groupe qui était vraiment en conflit, mais alors en conflit hyper fort avec tous les enseignants. Alors, c'était un BAC Pro agroalimentaire... et donc voilà, la tension était tellement forte et voyez, quand je dis "le groupe", on se dit :"Ils sont tous contre !" Chacun sans doute a une vision différente des choses, mais ils sont tous contre, en tous cas, les enseignants. Et donc là il y avait vraiment une tension très forte dans tout ce groupe là,
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et donc... on avait commencé à interroger : "Mais qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi vous êtes en tension ?" Et donc ils disaient en gros, en substance, plusieurs, mais certains n'étaient pas de cet avis là disaient : "Moi l'agro-alimentaire... aller... aller travailler dans les conserveries non merci, très peu pour moi." Et en gros on voyait que tous les élèves... enfin... beaucoup d'élèves pardon... Beaucoup d'élèves étaient à... à dire :
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"Nous on est là pour un BAC, mais on n'est vraiment pas là pour l'agro-alimentaire, c'est clair." Et donc... A partir de là... Dont acte ! Revenons sur les réalités. Ils veulent un BAC point final, pour certains. D'autres sont peut-être un peu intéressés par une forme d'agro-alimentaire. Voilà ce qui se passe. Et on demandait aux enseignants de leur côté : "Et vous ?" Bein... ils s'en foutent... Ils sont pas motivés, etc., par l'agro-alimentaire... Et vous qu'est-ce qui vous motive dans l'agro-alimentaire ?
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qu'est-ce qui est... qu'est-ce qui vous titille, qu'est-ce qui vous intéresse ? Mais c'est un métier horrible... Je crois que tout était dit ! Dire que eux-mêmes ne trouvaient pas ce qui pouvait être motivant, si ce n'est que quand ils allaient en cours, il fallait qu'ils soient motivés quand même. A un moment donné, on a mis en dialogue tout ça, et... alors je vous passe un peu les détails mais... on arrivait à une négociation pour dire, bein voilà : "Pour les gens qui veulent qu'un BAC,
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on va faire du bachotage. Et les enseignants ont validé le fait que... ils allaient faire du bachotage uniquement pour les gens... et répondre à ce que voulaient ces élèves là c'est à dire bachoter pour avoir le BAC. Et puis pour ceux qui étaient dans l'agro-alimentaire ils allaient... ils allaient plus loin. Mais c'était, plus ou moins... enfin... pas complètement individualisé mais un peu plus individualisé. Et en fait ça a complètement calmé... calmé le jeu !
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Mais ce qui était aussi très intéressant c'est que... les élèves qui disaient : "Nous on veut qu'un BAC, et on veut pas l'agro-alimentaire..." écoutant ce qui se jouait pour les autres, qui allaient plus loin, disaient : "Ah bon ? Mais..." Ils commençaient à poser des questions sur l'agro-alimentaire et ils commençaient à s'intéresser à cette affaire là. Parce qu'on leur avait dit : "Non non ne vous y intéressez pas, effectivement... puisque ce n'est pas votre choix, laissez tomber."
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Voilà un exemple, pour travailler sur le collectif. Bien, merci. Pour approfondir cette conférence je vous renvoie donc aux références... de la conférence... que je viens de mettre dans le fil de discussion... et également à l'ouvrage, "Palo Alto à l'école" qui a été écrit par Michel Vidal Donc je donne tout de suite la parole à Nadia
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pour sa réaction. Bonjour ! Merci Michel. Pour faire écho, en fait, à ce que disait Michel dans mon expérience professionnelle... Bon, une position qui est assez confortable quand même en ESC puisqu'on travaille beaucoup sur... on travaille en pédagogie de projet... et pour répondre parfois à ces difficultés qu'ont les élèves... justement qui ont des comportements un petit peu...
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je vais dire déviants, entre guillemets, en classe qui ne correspondent pas, voilà, toujours à ce qu'on aimerait... le comportement qu'on aimerait qu'ils aient... au sein même de la pédagogie de projet je fais aussi de la pédagogie différenciée c'est à dire que j'essaie de mettre des... des élèves, les bons élèves je leur... je les laisse en autonomie, enfin bon, entre guillemets, en autonomie,
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et je vais les voir de temps en temps, et les élèves qui sont plus en difficulté pour le coup je passe aussi beaucoup de temps avec eux, ce qui va éviter que les uns ou les autres aillent perturber... aillent se perturber en fait. Mais surtout ce que je voulais dire c'est que... moi je... souvent je veux pas savoir ce qu'il leur arrive... Ce qui se passe à l'extérieur, leur vie...
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J'essaie de garder beaucoup de recul par rapport à ça, parce que comme disait Michel, moi je sais jamais quoi en faire, et j'ai souvent peur que... aussi, bein d'une certaine façon ça influence mon regard que je peux avoir... sur les élèves en question, et... alors que j'ai quand même pour objectif de vouloir être le plus juste possible les uns avec les autres.
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Donc, du coup, c'est parfois je le reconnais, pas toujours évident, mais... mais je trouve que c'est important. Et en plus pour le coup ils sont tous sur un même pied d'égalité, d'équité au sein de... au sein de la classe. Et on arrive à avoir une bonne relation de confiance également les uns avec les autres. Eux ils ont compris que moi je ne voulais surtout pas en parler
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et... et du coup ils le font pas et nos rapports sont complètement différents dans les activités en classe. Et parfois donc pour les élèves aussi en difficulté mais je pense que beaucoup d'enseignants le font, c'est... d'essayer de les responsabiliser un peu aussi au sein de la classe distribuer des documents ou autre, et ça les valorise aussi !
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Donc du coup là ils voient que moi je leur fais confiance également au sein même de la classe, et ils deviennent de plus en plus volontaires au sein des activités que je mets en place... en classe et avec les autres élèves. Voilà... Julie, j'ai fini, je pense... je suis dans le timing...
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Oui bien sûr ! Merci Nadia. Bein du coup... il est temps pour nous de conclure ce webinaire donc je vous remercie à tous les deux, Nadia Jouini et Michel Vidal, merci également à toutes et tous pour votre participation.
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