Bonjour, dans ce chapitre, nous allons aborder le sujet du comportement. Dans les classes, le comportement des élèves est une préoccupation constante, en particulier les comportements perturbateurs. Sur une année, combien d'heures perdues par chaque enseignant à faire la police et à tenter tant bien que mal de contenir les comportements nuisibles? Et combien d'heures perdues par chaque élève pour ses apprentissages? Si on parvenait à diminuer significativement ces comportements perturbateurs,

ce serait un progrès majeur à la fois pour le bien être des enseignants et des élèves. Et indirectement, on peut l'espérer pour les apprentissages de ces derniers. Les enseignants, comme tous les êtres humains, ont une compréhension intuitive de la manière d'influencer le comportement des autres. Vous savez bien que les humains, comme les autres animaux, sont sensibles aux récompenses et aux punitions, et qu'ils modifient leur comportement en fonction.

Vous savez qu'une récompense augmente les chances qu'un comportement se reproduise ou perdure, et vous savez qu'une punition diminue les chances qu'il se reproduise. C'est une forme de sagesse populaire connue sous la formule "la carotte et le bâton". On ridiculise souvent l'idée d'utiliser la carotte et le bâton. Pourtant, il s'agit d'une démarche qui est bien plus profonde qu'il n'y paraît. Dès le plus jeune âge, les enfants utilisent les récompenses et les punitions de manière

spontanée, intuitive et même inconsciente. Lorsqu'un bébé sourit, il récompense le parent qui le nourrit ou Qui prend soin de lui. Lorsqu'il pleure, le bébé punit le parent qui ne fait pas attention à lui ou qui n'a pas compris ses besoins. Ainsi, d'une certaine manière, le bébé influence les comportements autour de lui en distribuant des récompenses et des punitions. Plus tard, Le langage lui permettra d'affiner encore son usage des récompenses et des punitions,

et d'influencer plus puissamment le comportement de ses proches. Et il ne cessera plus jamais de le faire: compliments, reproches, sourires, regards, gestes, tous les signes produit par les humains peuvent être perçus positivement Ou négativement par les autres, et donc agir comme des récompenses ou des punitions de leur comportement. Tous les êtres humains manient les récompenses et les punitions. Leurs plus grands utilisateurs sont bien entendu les parents et

les enseignants, et ils exercent leurs talents sur les enfants. Peut être n'avez vous jamais analysé votre propre comportement de cette manière ? Néanmoins, cette perspective a tout son intérêt. En effet, chaque jour, plusieurs fois par heure, les enseignants distribuent des compliments, des reproches, des félicitations, des réprimandes, des notes bonnes et moins bonnes, des promesses de récompenses, des menaces de punitions,

et ce à tous leurs élèves. Avec une pratique aussi intensive des principaux déterminants du comportement, on pourrait penser que tous les enseignants sont passés maîtres dans l'art de réguler le comportement de leurs élèves par les récompenses et les punitions. Et pourtant loin s'en faut. Alors pourquoi donc n'y parviennent-ils pas mieux ? Bien sûr, le problème est complexe: les humains ne sont pas des pantins que l'on peut

faire avancer ou reculer à volonté à coup de carotte ou de bâton. Les comportements humains ont de très nombreux déterminants, qui s'étalent sur toute la vie de l'individu. Ces comportements ne sont pas juste déclenchés automatiquement et immédiatement par l'appât des récompenses et l'évitement des punitions. Du fait de cette complexité, il serait bien sûr illusoire de vouloir totalement contrôler le comportement d'autres humains, et ce n'est de toute façon ni le but ni le besoin des enseignants.

Ayant reconnu cette complexité du comportement humain, il n'en reste pas moins que celui-ci est bel et bien influencé par les récompenses et les punitions. Le problème est que la sagesse populaire n'est pas suffisante. La manière intuitive que nous avons d'utiliser les récompenses et les punitions pour influencer nos congénères est loin d'être optimale. C'est là que la recherche en psychologie peut nous aider en offrant une meilleure compréhension des mécanismes du comportement et

en déterminant de manière expérimentale les conditions précises sous lesquelles il est possible d'augmenter ou de diminuer la probabilité d'un comportement. L'enjeu de ce chapitre est donc de compléter la compréhension intuitive que les enseignants ont du comportement et de leur fournir des méthodes plus efficaces que celles qu'ils utilisent déjà pour réguler les comportements. Des méthodes issues de la recherche en psychologie, expérimentées et évaluées rigoureusement, y compris dans les conditions réelles

de la classe. Comme nous allons le voir, l'un des points clés de ces méthodes consiste à modifier fondamentalement l'équilibre entre les récompenses et les punitions. L'école est bien souvent un environnement dans lequel les comportements sont régulés essentiellement par des punitions ou des menaces de punitions. On peut s'en convaincre, par exemple en lisant le règlement intérieur d'un établissement qui comporte souvent un long menu de sanctions, mais peu de mentions de récompenses.

Cet usage prédominant et généralisée des punitions a des effets pervers importants. Les récompenses, elles, ont beaucoup d'avantages et sont pourtant sous-utilisés dans le milieu scolaire, et qui plus est de manière assez peu efficace. L'enjeu est donc de diminuer les punitions et leurs effets secondaires, de mieux les utiliser lorsque c'est nécessaire, et d'augmenter les récompenses et de les utiliser de manière plus efficace.

Voilà les ingrédients qui peuvent permettre de mieux réguler les comportements, tout en rendant la vie des enseignants et des élèves beaucoup plus agréable. C'est ce que nous vous proposons d'apprendre dans les séquences qui suivent.